Ce qui a été fait et ce qu’il reste à faire en matière de mobilité bancaire

Le Comité français d’organisation et de normalisation bancaire (CFONB) a publié fin octobre 2015 les formats de messages normalisés pour les flux relatifs à la mobilité bancaire.

Bien qu’elle ne concerne que le changement de banque d’un particulier, la mobilité bancaire concerne les entreprises qui sont des émetteurs d’opérations pour collecter ou verser régulièrement des fonds à des particuliers, clients ou salariés. Elles doivent se pencher sur les prochaines étapes, et planifier les travaux nécessaires au démarrage et au respect des obligations règlementaires.

Rappels sur la mobilité bancaire

La mobilité bancaire, désormais encadrée par un ensemble de lois et décrets qui rendent obligatoire son application pour le 6 février 2017, permet à un client particulier de demander, lors de l’ouverture d’un nouveau compte auprès d’un établissement bancaire de faire ‘rapatrier l’activité’ de son ancien compte vers le nouveau. Au-delà des échanges d’information entre banques, la loi prévoit également l’information des émetteurs de virements ou de prélèvements par la nouvelle banque du particulier, via les banques des émetteurs, et, par rebond, l’obligation légale pour ces émetteurs d’informer leurs clients ou salariés de la prise en compte des nouvelles coordonnées bancaires dans des délais précis. Les décrets d’application sont parus pour les prélèvements, (avec une information du client sous 10 jours à terme, 20 jours jusqu’en avril 2017), celui pour les virements est en attente de parution à l’heure où nous écrivons.

Si la plupart des messages échangés le sont entre banques, il est un, appelé « Account Switching Information Service Response – Report », (ASISR-R) qui est produit et transmis par la banque de l’émetteur et concerne donc directement les entreprises émettrices d’ordres concernant les particuliers . Il contient les modifications de coordonnées et les listes d’opérations émises sur les 13 derniers mois vers l’ancien compte du client ou salarié. Les critères de regroupement (toutes modifications concernant un compte en un seul message ou au fil de l’eau, fréquence de livraison) restent à déterminer et font partie de la liberté d’offre laissée aux banques des émettreurs, les messages offrant la souplesse nécessaire.

Pour créer le message ASISR-R le CFONB a pris en compte le souhait des émetteurs concernant les messages à utiliser et a repris des éléments connus provenant des messages de demande de correction de domiciliation (dont l’acronyme anglais est CAI acmt.022) pour la structure des messages, ainsi que des éléments des relevés d’opérations (camt.054) pour le détail des opérations.
La différence fondamentale avec le CAI est que ce dernier informe l’émetteur d’un changement de coordonnées de compte au sein d’un même établissement (suite à fusion, renumérotation du compte par exemple) et est déclenché par l’émission d’une opération sur des coordonnées bancaires incorrectes ou obsolètes. Le service CAI est un service optionnel, dépendant des offres des établissements bancaires.
Le message de mobilité vers l’émetteur est quant à lui déclenché à la suite de l’ouverture par le client ou le salarié d’un nouveau compte, indépendamment de l’émission par l’émetteur d’une opération. Tous les établissements bancaires établis en France et dans les Départements d’Outre Mer sont tenus par la loi d’émettre cette information, loi qui prévoit également des obligations pour les émetteurs d’opérations.

Que reste-t-il à faire pour les émetteurs avant le 6 février 2017 ?

Un certain nombre de points pratiques doivent être analysés par les émetteurs d’opérations :

  1. Le rapport concernant le changement de compte des particuliers se base sur un historique d’opérations de treize mois précédant la date de début de la mobilité. L’information est systématique, cependant :
    • L’information concernant le changement de compte peut concerner un particulier qui n’a plus de relation avec l’émetteur, comme un client qui aurait changé de fournisseur ou un salarié d’employeur dans les 13 derniers mois : il faudra donc faire un tri pour écarter les ex-clients ou salariés.
    • Le rapport est basé sur le compte de l’émetteur, si sur cette période il y a eu changement d’établissement pour l’émission et/ou que les comptes ont été fermés, l’information sur les changements de coordonnées parviendra à la banque abandonnée et donc n’ira sans doute pas à l’émetteur. Si la mobilité intervient dans l’intervalle entre le changement de compte émetteur et le premier mouvement sur le nouveau compte émetteur, l’émetteur ne sera pas informé.
    • Si l’émetteur utilise des comptes à l’étranger pour initier ses opérations, la transmission du rapport de mobilité n’est ni standardisée ni normalisée et laissée à l’appréciation de la nouvelle banque du client (qui supporte par ailleurs l’obligation légale d’informer les émetteurs). Il faudra recourir à un plan B, probablement moins automatisé et à déterminer. Le même problème se posera si le nouveau compte du client est ouvert hors France métropolitaine et DOM, c’est-à-dire hors périmètre de la loi traitant de la mobilité.
  2. Les relations entre les émetteurs et leurs banques devront faire l’objet d’une discussion approfondie. En effet, le message ASISR-R permet des regroupements (ou non). Il faudra se déterminer sur les modalités de constitution des fichiers avec les partenaires bancaires et éventuellement se poser ces questions en fonction de l’organisation des émetteurs (paiements/encaissements pour compte d’autrui éventuels).
    Il y aura lieu aussi de se poser la question du degré d’automatisation requis (ou souhaitable). Les grands émetteurs devraient naturellement s’orienter vers l’intégration de fichiers en provenance de leurs banques, mais les plus petits pourraient envisager d’autres modes de communication (fichiers dans des formats divers disponibles sur le portail « entreprises » de la banque par exemple).
  3. L’information obligatoire des clients ou salariés est laissée à l’appréciation des émetteurs. Le format et le média en sont donc libres. Le décret d’application (pour les prélèvements, et sous réserve que le même schéma soit reproduit pour les virements) prévoit cependant que l’information comporte également les dates du dernier prélèvement sur l’ancien compte (qui peut être postérieure à l’information de mobilité) et la date du prochain prélèvement sur le nouveau compte.
    Ces détails peuvent être délicats à gérer pour les émetteurs. Il faudra également surveiller de près les rejets (au cas où l’ancien compte a été fermé dans l’intervalle par exemple) et représenter les opérations sur les nouveaux comptes. Cette gestion classique mais relativement complexe nécessitera éventuellement une information complémentaire vers le client.

Cette liste n’est probablement pas exhaustive, les détails révèleront sans nul doute d’autre questions à régler, mais les délais imposés par le législateur sont très courts. La standardisation des flux entre banques est une première étape qui permet d’y voir plus clair sur les informations qui parviendront aux émetteurs. C’est la base de travail pour une mobilisation des émetteurs afin d’apporter des réponses collectives à ces zones grises et déterminer la pratique de marché avec leurs banques, facilitant la mise en œuvre et assurant une conformité rapide de tous les acteurs avec ces obligations légales.

Le projet de mobilité bancaire en France trouve son origine dans plusieurs textes

  • La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation qui a rendu obligatoire le service d’aide à la mobilité bancaire existant depuis novembre 2009 sous forme de norme professionnelle de la Fédération bancaire française.
  • La directive européenne 2014/92/UE du 23 juillet 2014 sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l’accès à un compte de paiement assorti de prestations de base, dont la transposition en droit national devra être effective avant septembre 2016.
  • Le rapport Mercereau de décembre 2014 sur la portabilité du compte bancaire.
  • L’avis du Comité consultatif du secteur financier du 26 mars 2015 sur le service de mobilité et de transfert automatisé des domiciliations bancaires.
  • Le projet de loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques approuvé par le Parlement le 10 juillet 2015.
  • Le décret no 2015-838 du 8 juillet 2015 relatif à la prise en compte par les émetteurs de prélèvements des modifications de coordonnées bancaires par leurs clients.

Article publié par Marc Pomes-Bordedebat dans la lettre du trésorier N°330 Décembre 2015

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